Étendue près de Petit Jais dans la pouponnière, serrée contre sa fourrure sombre, j'écoutais le bruissement du vent au-dehors, pensive. Nous avions grandi, depuis le début de notre amitié, et j'avais trouvé en lui un merveilleux meilleur ami. Le souvenir de notre rencontre me revint en mémoire, puis celui de la fugue pour l'Assemblée des Chatons...

Cette course sous les étoiles avait été fantastique, et j'aurais voulu la refaire... Mais nous avions grandi et malgré tout, je ne connaissais pas tout mon territoire. Notre territoire, me corrigeai-je mentalement. Celui du Clan du vent. J'étais fière de faire partie de ce groupe, et espérais pouvoir les aider de tout mon être.

Je regardai tout autour de moi, mes yeux bleus étincelants dans la pénombre de la tanière, ma fourrure rousse et blanche légèrement moins vive dans la nuit... Tous dormaient. Tous sauf... Je soufflai à l'oreille du chaton au pelage noir :

« Petit Jais, tu viens? Je veux aller hors du camp... »

Il tourna la tête vers moi, tandis que je me levais précautionneusement pour ne pas réveiller ma cousine, et je lui fis signe de sortir, pointant l'extérieur de la queue avant de montrer l'exemple d'un bond léger, comme si je voulais m'envoler. Ce vœu de ma cousine quand nous étions plus petites me fit sourire... Passant devant le tas de gibier, je me dirigeai vers le petit coin d'où nous pouvions sortir sans être vus, et me faufilai hors du camp, jetant finalement un regard en arrière pour attendre - très peu - mon compagnon d'aventure. Une fois qu'il rejoignit mes côtés, j'eus un grand sourire et murmurai :

« J'ai entendu des guerriers parler de la Crevasse Aquatique. Notre territoire est si vaste, il nous faut le découvrir !!! Partant? »

Il donna son approbation, comme je m'y attendais, et mon sourire s'élargit encore. Je bandai mes muscles fins et murmurai :

« En ce cas... Allons-y !!! »

Et nous nous élançâmes dans la nuit.

Un conte. Cette soirée ressemblait au soirée décrite dans les contes des anciens. Une nuit qui brillait de milles feux sous les lueurs des guerriers d'autre fois. Les chatons trouvent le temps long, et pourtant on ne s'aperçoit tellement pas que l'écoulement de la vie passe si vite ! J'avais grandi, nous avions grandi. Petit Érable et moi étions maintenant les aînés de la pouponnière. Dire qu'il me semblait que hier, je m'étais évader avec mes amies et que pleins de chatons, par le pure hasard que le Clan des Étoiles avait dessiné, s'était retrouver aux quatre chênes. Que le jour d'avant, une épine plantée dans ma patte m'avait permis de me faire, la meilleure amie dont on puisse rêver. Petit Érable... Sans elle, je serais encore seule, dans mon coin, dans mon monde... Je lui serais redevable, toute ma vie. Que j'ai hâte que l'on devienne apprentis elle et moi, que nous chassions ensem... Non. Malheureusement, ce ne sera pas ainsi, nos destins vont se séparer. Tandis que je tenterais de devenir le guerrier le plus rapide et le plus valeureux des quatre clans, elle, elle se consacrera aux soins et sera a mes yeux, la meilleure guérisseuse du monde... Quand on y pense, quel dommage... Dire qu'elle va soigner plein de chats ! Elle va prendre tout son temps libre a s'occuper d'eux ! Tant que j'y pense, je me surprend à jalouser ses chats. Il faut dire, elle fait tellement bien son travail de guérisseuse. J'aurais qu'as me blesser souvent héhé ! Tandis que mes pensées vagabondait dans ma tête, Petit Érable qui n'avait pas l'air de vouloir sombrer dans le sommeil, s'approcha de mon oreille. Je me souviens... J'avais fais pareil quand je voulais m'éclipser du camp !

« Petit Jais, tu viens? Je veux aller hors du camp... »

Tellement de bon souvenirs passer avec elle me revenait... Quel question ? Bien sûrs qu'on y va ! Et tandis que mon corps noir s'étirait, Petit Érable était déjà devant l'entrée ayant slalomer les félins endormis et me faisait signe de la suivre. Elle fit un bon si gracieux que je me demandais si elle ne s'était pas envoler. Je suivis donc mon ange guide et nous empruntions notre passage secret pour sortir dans le monde nocturne. Petit Érable, très en avance, avait finie par m'attendre. Je n'avais pas dit un mot depuis le début. De toute manière, je suivrais toujours mon amie quoi qu'il arrive.

« J'ai entendu des guerriers parler de la Crevasse Aquatique. Notre territoire est si vaste, il nous faut le découvrir !!! Partant? »

Je donnais mon approbation d'un hochement de tête très convaincant. Celle-ci cria alors d'un ton enthousiaste.

« En ce cas... Allons-y !!! »

Et c'était partie, nous nous élancions vers l'inconnu, nos pattes touchant à peine le sol tellement notre foulée était vive. Seulement, je me mis à accélérer et je dépassais Petit Érable.

Si tu crois que je vais me laisser battre, je compte devenir le chat le plus rapide des quatre clans tu sais ? Dis-je en rigolant de joie.

Mes pattes ne se fatiguait jamais, elles aimaient courir, j'étais né pour courrir, ma mère, m'as... Mis au monde... Pour courrir. Mon visage s'assombrissait à cause de cette pensée. Maman, ou es-tu ? Qui es-tu ? Olala ! Pas le temps de penser à ça ! Un jour, je la retrouverais mais je dois d'abord profiter de ma vie, de l'instant présent. Je continuais la course... Mais un détail me frappa. Je freinais aussitôt faisant un dérapage parfaitement contrôler qui me tourna vers Petit Érable qui freinait elle aussi. Haletant, je repris quelques secondes mon souffle. Mon amie navait pas l'air d'avoir trop compris ce qui m'arrivait. J'inspirait avant de prendre un ton interrogateur et un poil sceptique.

Petit Éraaaable ?... Est-ce que tu sais au moins où elle se trouve cette fameuse "Crevasse Aquatique" ?

HRP:

Le vent nous entourait, nous portait, au rythme de notre course effrénée sous les rayons de la lune. Nos pelages se paraient d'une douce teinte argentée, comme si à mesure que nous nous éloignions, nous nous confondions avec la nuit, pour rejoindre, étincelants d'étoiles, les guerriers de jadis. Mais non, nous étions bien vivants, et l'air frais ébouriffait ma fourrure de feu et de neige, tandis que mes prunelles d'eau étincelaient. J'étais bien, là, courant dans la plaine aux côtés de celui qui était devenu un ami et bien plus encore à mes yeux, une famille...

A chaque respiration, l'atmosphère froide de l'hiver laissait s'envoler de ma gueule une fine brume, et çà et là, de petits monticules couverts de neige nous indiquaient des terriers de lapins. J'avais l'impression de voler, et très vite, Petit Jais me dépassa, comme à son habitude, me lançant en riant:

Si tu crois que je vais me laisser battre, je compte devenir le chat le plus rapide des quatre clans tu sais ?

Un grand sourire se dessina sur mon visage, et, riant également d'allégresse, je forçai l'allure, le rejoignant, relevant le défi en lançant :

« En ce cas, Étoile de Jais, il me faut bien réussir à te suivre et à t'accompagner !!! »

Toujours... Jamais je ne le laisserais tomber. J'avais à nouveau employé son nom de chef, et au fond de mon cœur, je croyais très fort en lui. Il serait un guerrier courageux, rapide et fort, avec des valeurs, et je serais là pour lui, à jamais, guérisseuse dans la lumière, confidente et conseillère dans l'ombre.

L'espace d'un instant je tentai de m'imaginer guerrière à ses côtés. La chasse, les combats, les courses à en perdre haleine, à chaque saison qui passait. Recevoir les blessures et en distribuer plutôt que de les faire disparaître...
Je frissonnai à cette pensée. L'idée de seulement lever la patte contre un chat me déplaisait... Et si par aventure je devais faire face à Petite Arabesque au combat? En serais-je capable? Serais-je capable d'oublier nos jeux, et elle, s'en rappellerait-elle?
Je fermai les yeux. Non, ma décision était bel et bien prise, je serais guérisseuse, écoutant les murmures voilés de nos ancêtres, en rêve et près de la Pierre de Lune, illuminée par les lueurs de l'astre nocturne d'où elle tenait son nom. Et je ferais tout mon possible pour soigner les blessures, chasser la maladie et éloigner la mort...

Petit Jais dérapa alors pour revenir vers moi, et je freinai en souplesse, évitant la collision. Son regard était étrange, et tandis qu'il reprenait son souffle, je réfléchissais, respirant également. Même si nos pattes ne connaissaient aucune fatigue, nous courions déjà depuis un petit moment, et le souffle froid me piquait. Je souris, écoutant la question de Petit Jais, et la conversation me revint en tête. La première fois que j'entendais parler de la Crevasse Aquatique...
Je murmurai :

« Plus ou moins... Il faut prendre par là et courir jusqu'à ce que les Trois Menhirs apparaissent. Après, un détour.»

Je ne lui disais pas qu'arrivés là, je ne saurais pas exactement quelle piste prendre... Je me remis en marche calmement, sans courir, et attendis Jais. J'avais l'impression de vivre un rêve éveillé...
Mais je n'aimais pas les rêves. Paradoxal pour une future guérisseuse me direz-vous. Mais non, je n'aimais pas les rêves, visions d'utopie.
Je n'aimais pas les rêves, parce que tôt ou tard, il fallait se réveiller, et le monde qui m'entourait, ainsi que les visions enchanteresses de ceux que j'aimais, disparaissait, me laissant parfois prostrée, en larmes, sentant encore une douce étreinte. Celle du songe...

Le sol se déroba alors sous mes pas, et je tombai dans une galerie, plutôt profonde, la pente s'effritant et me laissant face à une paroi lisse et friable, même pour un pas léger. Un terrier, heureusement désert, qui avait dû abriter un blaireau ou un renard... Un terrier, heureusement abandonné depuis longtemps vu l'absence de toute fragrance pour m'alerter. Les étoiles semblaient me narguer, et je pensai, les yeux tournés vers le ciel étoilé de la Toison Argentée :

Voilà également pourquoi je n'aime pas les rêves... Ils tournent si aisément au cauchemar...

« Plus ou moins... Il faut prendre par là et courir jusqu'à ce que les Trois Menhirs apparaissent. Après, un détour.»

Je devais bien l'avouer, je n'étais pas très convainque par ce qu'elle m'avait décrie. M'enfin... Autant continuer. Donc ! Je suivais ma meilleure amie qui cette fois marchait tranquillement, ce qui cette fois me rassurait, malgré le fait d'adorer courir, dans notre situation, ce n'était pas conseiller... Nos pas étaient très silencieux, et Petit Érable encore plus. Même en étant derrière elle, je pouvais sentir qu'elle était plonger dans ses songes. Malheureusement, je ne pouvais pas lire dans ses pensées, ça m'aurais été utile pour la comprendre... Soudain, je vis le corps de Petit Érable disparaître dans le sol, dans la nuit, tel une ombre revenant à son origine, la poussière. Petit Érable ? Où était-elle ? Comment un félin pouvait disparaître comme ça ?? Je commençais à m'affoler, je ne voulais pas la perdre. Non ! Ce n'est pas ton genre Petit Jais ! Toi, tu réfléchis, tu ne fais pas comme un de ces stupides chatons qui t'empoisonnent la vie. Je m'approchais donc, tout doucement, tâtant délicatement le terrain, soudain un trou se fit remarquer. Je penchait alors ma tête vers la crevasse ou plutôt le terrier. Vu la grosseur, il s'agissait sans doute d'un terrier de Blaireaux. Je pouvais le savoir, les anciens parlait souvent de l'IMMENSE taille de ces bêtes noires et blanches assoiffées de sang. Heureusement pour nous, le terrier était vide et aucune odeurs ne venait prouver le contraire. Un terrier abandonner depuis des lustres. Petit Érable était étaler dans le trou.

Est-ce que tout va bien ?

Même dans la nuit, je pus percevoir qu'elle allait très bien. Alors du bout de ma patte noire, je lui touchais le bout de son museau.

Héhé, tu me fais de la place ? ça a l'air bien ton petit coin tranquille

Dis-je en souriant. La petite femelle me fit de la place et je pus m'installer à côté d'elle. Deux meilleurs amis dans une escapade et un petit coin baigner des étoiles. Que pouvait-on demander de plus ? Une question.

Tu pensais à quoi tout à l'heure dis ? Je t'ai vu, tu avais l'air songeuse...

Petit Jais me sourit, touchant mon museau du bout de la patte, et miaula d'une voix joyeuse et taquine, nos fourrures d'encre, de feu et de neige se mêlant :

« Héhé, tu me fais de la place ? ça a l'air bien ton petit coin tranquille. »

Un rire léger m'échappa et s'envola vers les astres, tandis que je me décalais légèrement pour lui laisser de la place. Il s'assit doucement à côté de moi, et je posai tendrement ma tête sur son épaule. Il était devenu un peu plus grand que moi... Une pensée me traversa soudain l'esprit. J'étais sûre de vouloir être guérisseuse, mais lui, qu'en pensait-il? Resterait-il toujours mon ami? Je murmurai alors d'une voix douce et légèrement inquiète :

« Jais? Dis-moi... Quand on sera apprentis, tu resteras mon ami? Je veux pas te perdre, moi... »

Les yeux grands ouverts, j'observai le tableau idyllique depuis les étoiles, près de mon meilleur ami et de ma seule famille à mes yeux, excepté Astre... Le vent soufflait doucement au-dessus de nos têtes, mais en ce lieu, nous étions à l'abri. Tout était parfait... Dans le même temps, il me regarda et me posa également une question. Et je répondis, d'une voix toujours douce et cette fois plus posée malgré mes paroles :

« Je pensais à mes rêves. Au fait que je déteste les rêves. Je déteste les rêves parce que tôt ou tard, il faut se réveiller... Et certains des moments les plus heureux de mon existence sont comme des rêves éveillés. Sauf que là aussi, il faut se réveiller... »

Puis je fermai les yeux, une larme roulant sur ma joue, que j'écrasai d'un revers de la patte, attendant sa réponse sous la Toison Argentée. Le vent sifflait en une douce mélodie, la nuit était plus douce et la neige çà et là dans la fourrure de mon ami dessinait mille étoiles dans le silence nocturne. Une étoile filante passa alors, trait de lumière dans le ciel bleu sombre, si sombre qu'on l'eût dit noir, et je murmurai :

« Je souhaite que cette nuit, cette amitié, n'aient aucune fin... »

Mon amie riait, j'étais content. Le simple fait qu'elle exprimait de la joie me rendait heureux moi aussi. Puis elle recommençait à songer, à quoi pouvait-elle penser ? Avant de lui avoir poser ma question, elle m'en avait poser une aussi... Je ne comprenais pas, n'a t-elle pas confiance en moi ?

Je pensais à mes rêves. Au fait que je déteste les rêves. Je déteste les rêves parce que tôt ou tard, il faut se réveiller... Et certains des moments les plus heureux de mon existence sont comme des rêves éveillés. Sauf que là aussi, il faut se réveiller...

En faite, c'était un malaise qu'elle avait, dans ses yeux turquoises, on voyait qu'elle n'allait pas bien... Elle avait même finie par verser une larme, une larme que personne ne devait voir, d'après le mouvement vif de sa patte.

Je souhaite que cette nuit, cette amitié, n'aient aucune fin...

Mes yeux s'était baisser. Je n'aimait pas la voir ainsi...

Mais les rêves... Ce n'est pas que ceux que tu trouves dans ton sommeil, un rêve... C'est aussi une promesse, une idée pour laquelle tu te bas, tu ne renonce jamais, tu vis. Et puis il y a des rêves qui parfois se réalisent ! C'est pour ça que moi, je les trouvent magnifique ! Bien sûrs... Il y a aussi les rêves impossibles, mais c'est au contraire ces rêves qui peuvent te donner de la volonté...

Moi aussi, j'avais verser une larme. Même plusieurs. Cette scène... Cette fameuse scène au couché du soleil, devant une corniche, mon père me révélant qu'il m'avait menti, me révélant que j'étais un solitaire de moitié... Ma mère... A quoi peut-elle ressembler ? Comment peut-elle s'appeller ? C'est ça mon rêve impossible, c'est de la retrouver...


Jamais... je ne laisserais tomber... Mais surtout, jamais. Jamais je ne t'abandonnerais Petit Érable, tu es celle qui a changer ma vie, jamais je ne te laisserais partir, c'est même moi qui te protègerais ! Ce sera un de mes rêves !

Je me serrai légèrement plus contre mon ami, attendant sa réponse, dans une atmosphère de peine et d'inquiétude. Une réponse qui bientôt fit éclore sur mon visage un joli sourire, purement joyeux et plein d'affection, tandis qu'il me disait d'une voix convaincue :

Mais les rêves... Ce n'est pas que ceux que tu trouves dans ton sommeil, un rêve... C'est aussi une promesse, une idée pour laquelle tu te bas, tu ne renonce jamais, tu vis. Et puis il y a des rêves qui parfois se réalisent ! C'est pour ça que moi, je les trouvent magnifique ! Bien sûrs... Il y a aussi les rêves impossibles, mais c'est au contraire ces rêves qui peuvent te donner de la volonté...

Bien sûr, il avait raison... Une nouvelle flamme d'espoir s'alluma en moi. Oui, je me battrais pour que mes rêves, nos rêves, se réalisent. C'était une promesse... Les étoiles se reflétaient dans son regard bleuté, qui scintillait d'une lueur argentée, tandis qu'il continuait, me regardant droit dans mes prunelles de turquoise :

Jamais... je ne laisserais tomber... Mais surtout, jamais. Jamais je ne t'abandonnerais Petit Érable, tu es celle qui a changer ma vie, jamais je ne te laisserais partir, c'est même moi qui te protègerais ! Ce sera un de mes rêves !

Une larme de joie m'échappa à ces mots. Alors c'était vraiment ce qu'il pensait? Rassurée sur son amitié, que je n'aurais voulu perdre pour rien au monde, je pensai : Tu as changé ma vie autant que moi la tienne... Et tu essayes encore de me protéger. Et moi, te protégerais-je? Réel ou pas réel?
Je sus aussitôt la réponse à ma question. Claire et limpide comme l'eau cristalline de la rivière qui suivait son cours... Réel. Cent fois réel. Nous sommes une équipe, on se protège l'un l'autre...

Je restai un moment silencieuse, continuant d'observer le reflet des étoiles dans les orbes scintillants de mon meilleur ami, savourant ce moment en sa compagnie, et je pensai à sa mère, solitaire. Sans doute la retrouver devait-il faire partie de ses rêves... Moi, mes rêves seraient de devenir guérisseuse, et surtout, d'un jour revoir ma famille. Tous ceux que j'aimais réunis.

Ma sœur, bien sûr, et ma cousine aussi. Petit Jais également, et aussi mon cousin, le fils de la sœur de mon père. Nuage de Bleuet... Mon père et ma mère n'étaient pas présents, car le premier ne s'était jamais vraiment occupé de moi, marqué par la perte de Patte Dorée, et la seconde m'avait menti sur cette perte, et avait provoqué la fugue de Petit Astre. Je n'avais jamais réussi à le lui pardonner...

Je murmurai doucement à mon ami :

« C'est quoi tes rêves à toi?»

Longtemps... C'était sans doute comme cela que s'est passer ce moment de silence, un silence éternelle... Ou presque.
Après n'avoir rien dit, ma camarade avait finie par me demander :

C'est quoi tes rêves à toi ?

Moi aussi, je restais silencieux. Mes rêves à moi ? C'était compliquer... Je repensais à ce que m'avait dit mon père... "Ta mère ne te détestait pas... Elle n'avait seulement pas les moyens de t'élever..." Je n'avais jamais compris cette phrase. C'était quoi les "moyens", pour lui ?

J'aimerais retrouver ma mère...

Mon regard s'était assombrit... Pourquoi mon père refusait-il de m'en parler ?!

Je peux te demander quelque chose ? Quand mon père m'a dit que ma mère était une solitaire, il m'a dit que c'est parce qu'elle n'avait pas les moyens de m'élever qu'elle m'a abandonner... D'après toi, c'est quoi les "moyens" ?

J'avais relever mes yeux vers la toison argentée. Elle brillait fortement. Et si... Maman était là haut ? Non. Tant que je ne l'aurait pas retrouver, je lui interdit de mourir !

Ma famille. Je ne faisais que penser à mes origines, c'était frustrant. Mais maintenant que j'y pensais, ce devait être pénible de toujours m'entendre me plaindre...

Désolé... Oublie ce que j'ai dit, ça ne fait rien...

Mon camarade resta un instant silencieux, et je craignis d'avoir commis un impair. Certains rêves sont plus durs à formuler que d'autres, certains si fragiles qu'on les garde au fond de son cœur comme de minuscules bijoux dans un écrin protecteur... Il finit par souffler, rompant ce mystère qui flottait dans l'air :

« J'aimerais retrouver ma mère... »

Son regard s'était rempli de nuages, et il observait la voûte étoilée, comme pour percer les mystères de nos ancêtres. La cherchait-il dans la Toison Argentée? Je lui passai doucement le bout de ma queue sur sa fourrure d'encre, et écoutai mon ami me demander :

« Je peux te demander quelque chose ? Quand mon père m'a dit que ma mère était une solitaire, il m'a dit que c'est parce qu'elle n'avait pas les moyens de m'élever qu'elle m'a abandonner... D'après toi, c'est quoi les "moyens" ? »

Je réfléchis intensément à cette question. C'est vrai, que fallait-il pour élever son chaton? Certaines apprenties devaient chercher la réponse pour elles-mêmes, pour un jour appliquer les préceptes, mais je ne serais toujours que dans la théorie, apprentie-guérisseuse puis guérisseuse. Je m'occuperais des chatons des autres, pas des miens. La silhouette blanche et étoilée de la mère de Petite Etoile, rencontrée aux Quatre Chênes, repassa dans ma tête, et je me lançai, sans écouter son excuse :

« Une mère, c'est quelqu'un qui te protège. Toujours. Une vraie mère, je veux dire... Une mère aimante, pas comme la mienne. Quelqu'un qui veut le meilleur pour toi. Les moyens, c'est te protéger, te nourrir, te soigner, t'offrir un abri dans les froides nuits d'hiver. T'aimer. Certaines mamans ne peuvent pas t'offrir les premières possibilités, alors elles ne t'offrent que la dernière. L'amour. Ta mère t'aime, Petit Jais. Elle t'aime tellement qu'elle a laissé partir son chaton pour qu'il ait une bonne vie... »

Je me tus soudainement. J'en avais beaucoup dit... Et penser à ma famille me faisait mal. Je murmurai finalement, m'interdisant de pleurer, rassemblant toute ma volonté :

« Alors, on bouge? »

Une mère, c'est quelqu'un qui te protège. Toujours. Une vraie mère, je veux dire... Une mère aimante, pas comme la mienne. Quelqu'un qui veut le meilleur pour toi. Les moyens, c'est te protéger, te nourrir, te soigner, t'offrir un abri dans les froides nuits d'hiver. T'aimer. Certaines mamans ne peuvent pas t'offrir les premières possibilités, alors elles ne t'offrent que la dernière. L'amour. Ta mère t'aime, Petit Jais. Elle t'aime tellement qu'elle a laissé partir son chaton pour qu'il ait une bonne vie...

Ma gorge était si nouer et mes yeux me piquait, son explication était si belle, Ô Petit Érable, que ferais-je sans toi ? Elle avait su trouver les mots les plus justes et cela même si certains lui faisait aussi mal au cœur que moi. En plus, elle me soutenais, sa queue étant sur mes épaules comme signe de réconfort...

Merci...

Soudain, après un petit moment de silence, Petit Érable se relevait.

Alors, on bouge ?

Je hochais la tête. On était toujours pas parvenue à la Crevasse Aquatique.

C'est reparti !

Cette conversation m'avait fait le plus grand bien ! Relâcher un peu ce qui nous nouait l'esprit pouvait s’avérer véritablement bénéfique. Je me sentais revivre et avait repris des forces. Néanmoins, comme tout à l'heure, nous ne courrions plus au risque de se perdre d'avantage.

Par où penses-tu aller ? On doit pas être très loin d'une frontière...

:

Petit Jais hocha la tête, et je repris ma marche à ses côtés, d'un pas tranquille, ma fourrure rousse et blanche s'argentant sous la lune, vers la Crevasse Aquatique. Il lança d'un ton enthousiaste :

« C'est reparti ! »

Parler semblait l'avoir aidé, et notre échange sur les rêves m'avait rassérénée. Libre, forte et légère... Aux aguets, j'observais les alentours, afin de me repérer, mon ami à la fourrure noire marchant à mes côtés. Le vent, encore doux, était agréable, et la Toison Argentée, magnifique, continuait de briller dans le ciel. Petit Jais miaula à mon attention :

« Par où penses-tu aller ? On doit pas être très loin d'une frontière... »

J'ouvris la gueule et m'apprêtai à lui répondre, car il ne devait pas avoir tort, quand une fragrance différente frappa mon odorat. Je levai les oreilles, à l'affût de tout son, et pus entendre un grognement de très mauvaise augure. Je croisai alors le regard bleuté de mon ami et camarade d'aventure, reflétant ma propre peur, et je feulai, sans attendre sa réponse pour me mettre à courir :

« COURS !!! »

Et je m'élançai à pleine vitesse, le plus loin possible de la menace.

Soudain, quelque chose me perturba ou plutôt devrais-je dire, une odeur... C'était une odeur forte, une fragrance qui ne vous laissait jamais indifférent. Petit Érable l'avait aussi senti et bientôt, on put entendre des grognements qui ne présageait rien de bon. Mes yeux verts croisant les magnifiques turquoise de Petit Érable, le message était maintenant clair. Sans attendre, Petit Érable feula :

COURS !!!

Aussitôt dit, aussitôt fait, nous nous élançâmes dans la nuit à toutes vitesses. Des pas lourds se firent entendre et bientôt, une haleine chaude et pestilentiel s'invita à la fête. Il était bien plus rapide que nous !! Même notre vitesse excellente ne pourrait pas gagner !! Soudain, mes yeux se tournèrent vers Petit Érable. Je ne pouvais pas continuer à courir sans rien faire. Prenant mon courage à deux pattes, je fis volte-face et parti dans une autre direction, frôlant presque la bête.

Attrape moi si tu peux, vieux truc puant !!

Je détallais tandis que derrière moi, hors de lui, le vieux truc puant me poursuivait. Mon plan avait marcher. Il avait complètement délaisser Petit Érable. C'est même moi qui te protègerais ! Ce sera un de mes rêves ! Je ne trahirais jamais ces paroles. Petit Érable sera ma guérisseuse tandis que je serais son chef ! Tandis que je pensais au futut... Malheureusement, je commençais à fatiguer. Mon plan était que la bête ne s’intéresse qu'a moi. Mais maintenant que c'était fait, je faisais quoi moi !?

:

Nous courions, ombres dans la nuit, flèches jumelles déchirant l'obscurité par l'éclat vite disparu de la lune qui se reflétait dans nos yeux. Je pouvais sentir l'horrible odeur du prédateur s'insinuer dans ma truffe, et mon pelage de feu et de neige s'était légèrement hérissé sous l'effet de la peur. Mes yeux bleus scintillants cherchaient les étoiles, porteuses d'espoir depuis toujours pour moi, mais elles semblaient à cet instant avoir disparu. Il allait nous rattraper, malgré notre vitesse...

Alors mon ami fit quelque chose d'à la fois terriblement courageux et irrémédiablement stupide : il changea de direction et attira le monstre. Pour moi... Je n'eus pas le temps de protester, les énormes pattes de l'animal, qui martelaient le sol, le faisant trembler, s'éloignaient déjà sur la trace de Petit Jais. Je me remis alors à courir, derrière eux, espérant les rattraper...

Les mots de mon ami au pelage de nuit sans étoiles comme aujourd'hui le ciel, résonnèrent à nouveau dans ma tête lors de cette course-poursuite.
C'est même moi qui te protègerais ! Ce sera un de mes rêves !
Mes poumons me brûlaient, et l'air vif, sec et froid n'arrangeait pas les choses, mais je continuai à courir sans hésiter. Je vis au loin une haute silhouette qui tendaient des bras innombrables vers le ciel et reconnus aussitôt les Quatre Chênes. Nous n'étions pas au bon endroit, mais celui-ci pourrait nous sauver la vie...

Je fus alors à peu près aussi futée que quelques minutes auparavant il l'avait été, bondissant sur le dos de la créature de l'ombre pour me fixer sur elle et enfoncer de toutes mes forces mes griffes dans la peau fine autour des yeux en miaulant férocement :

« Ne touche plus jamais à ceux que j'aime !!! »

Je bondis agilement, évitant - de peu, et faisant considérablement grimper mon rythme cardiaque - une de ses énormes pattes, le griffant d'un coup de patte arrière sur le museau avant de courir droit vers les grands arbres, intimant à mon ami de me suivre.
Mi-reconnaissante, mi-furieuse, mi-exaspérée, mi-soulagée, je feulai à mon ami, mes yeux bleutés comme des pierres de turquoise s'étrécissant considérablement :

« Je n'ai rien contre les héros, Petit Jais, mais si tu veux accomplir tes rêves et celui de me protéger, il faudra que tu survives !!! Et tu m'as promis de ne jamais me laisser... »

Ma voix s'était doucement tue, des larmes ruisselant sur mon visage, invisibles. Nous arrivâmes aux arbres, et je fis signe à mon ami de grimper, ce qu'il fit plutôt agilement, au vu de nos nombreuses... Non, pas fugues, disons plus diplomatiquement... Promenades non autorisées?
L'animal approchait, et je ne parvenais pas à me hisser...
Mon cœur se serra. Tout ne pouvait pas finir là, je voulais accomplir mes rêves de voir Jais chef et moi guérisseuse, et prendre une apprentie, et voir ma famille unie, veiller sur Petit Astre...
De la peur dans les yeux, je tentai un dernier essai désespéré...

Tandis que nous nous approchions des quatre chênes, je réfléchissais a toute allure. Il fallait que je trouve un moyen de m'échapper de cette course poursuite, quelque chose qui me cache instantanément ou qui ralentisse mon assaillant ! Soudain, je l'entendis justement couiner et aboyer. Les yeux écarquillé par la peur et la fatigue, je vis une chose rousse sur son dos. Petit Érable !!!

Ne touche plus jamais à ceux que j'aime !!!

Non ! Ne lui fais pas de mal !! Je ne te le pardonnerais jamais ! Furieux, je commençais a m'approcher mais Petit Érable, très acrobatiquement, réussi a lui échapper et parti en ma direction. Je fis donc demi-tour et devant nous se dressait les quatre chênes. Un dernier petit efforts...

Je n'ai rien contre les héros, Petit Jais, mais si tu veux accomplir tes rêves et celui de me protéger, il faudra que tu survives !!! Et tu m'as promis de ne jamais me laisser...

Mon amie pleurait abondamment et je m'en voulu terriblement. Je ne voulais pas lui faire de la peine.

Avant de lui répondre, nous atteignons enfin les arbres et grâce a mes disons entraînement secret suite a mes nombreuses escapade que personne n'a jamais vu, je pus utiliser mes dernières forces pour monter sans soucis. Seulement, Petit Érable eu plus de mal que moi et n'arrivait pas a se hisser. La bête se rapprochait, de ses yeux rouges sang, elle nous foudroyait du regard a la recherche de prochaines victimes. Je paniquais de plus en plus et voyait mon amie retenter encore une dernière fois. Je me penchais alors le plus possible, enroulant comme je pouvais, ma queue a une branche.

Ne lâche pas Petit Érable ! Agrippe toi a ma patte !!!

Ce qu'elle fit de toute ses forces. Je ne sentais pas ses griffes se planter dans ma chair, je m'en fichais, tous ce qui m'importait c'est qu'elle monte et soit saine et sauve !! Petit a petit, je la hissais vers le haut et avec une dernière étincelle, la tira hors d'atteinte du monstre.

Et toi, si jamais tu disparaissais par ma faute je ferrais quoi ? Avec qui je m'amuserais, rigolerais, me confierais et pleurerais si tu n'es plus là ?!? Ma vie et mes rêves n'aurait plus d'importance a mes yeux sans toi !!!

Tout comme elle l'avait fait, je versais alors quelques larmes tant par la peur que par la douleur qui commençait a surgir de ma patte.

La bête, les yeux rougeoyant dans l'ombre, s'approchait encore, et j'entendais son souffle rauque troubler le calme nocturne, tandis que je tentais de me hisser. De la branche, Petit Jais, solidement accroché, le regard fixé dans mes prunelles bleutées, me tendait la patte et miaula, d'une voix dans laquelle je pouvais entendre la peur :

Ne lâche pas Petit Érable ! Agrippe toi a ma patte !!!

Je respirai profondément, et fis ce qu'il me disait, tandis qu'il m'aidait à atteindre, moitié en grimpant, moitié en me faisant hisser, la branche du chêne. Juste à temps, car les mâchoires de cette créature des ombres claquèrent quelques secondes plus tard à l'endroit exact où se tenait encore mon corps frêle et fragile en rapport avec cette créature de cauchemar. Je pâlis, heureusement imperceptiblement, mais ne pus retenir un pincement au cœur sous l'effet de la culpabilité, tandis qu'il miaulait, la patte en sang, son pelage ébène s'imbibant pour devenir luisant:

Et toi, si jamais tu disparaissais par ma faute je ferrais quoi ? Avec qui je m'amuserais, rigolerais, me confierais et pleurerais si tu n'es plus là ?!? Ma vie et mes rêves n'aurait plus d'importance a mes yeux sans toi !!!

Je le vis, secoué de sanglots, ses pleurs le faisant doucement trembler, tandis qu'en bas la créature, impuissante, tendait la gueule vers nous, ces deux proies inaccessibles, tandis que le sang pourpre continuait de suinter légèrement des griffures que je devinais dans le noir encore exacerbé par le feuillage qui bloquait les rayons de la lune. Mes yeux me piquaient, emplis de larmes contenues, mais je les essuyai d'un revers de ma patte de neige, mon mouvement faisant briller mes tâches de feu légèrement mouchetées, à un endroit, de sang... Je m'étais éraflée durant le bref combat avec cet animal, et ne m'en étais pas réellement rendue compte, mais la blessure importait peu, ne saignant déjà plus...

Je m'approchai de mon ami au pelage noir d'encre, et lui donnai un coup de langue sur l'oreille, puis sur sa patte blessée, que je maintins en l'air, pour faire cesser le saignement. Un goût métallique m'emplit la bouche, mais au moins, cela ne laissait pas s'échapper de ce précieux liquide pourpre, à présent. Puis je répondis, tentant de réfréner mon égoïsme, faisant taire la petite voix en moi qui voulait crier "Tu n'as pas le droit de me dire ça, pas le droit de dire que ta vie n'a pas de sens sans moi !!! Et si je meurs? Tu devras vivre pour moi, m'effacer, m'oublier jusqu'au Clan des Etoiles !!!"

Petit Jais, je serai toujours là... Pour rire, m'amuser, me confier, t'écouter, pleurer, te consoler, te soutenir... Mais ne compte pas sur moi pour rester toujours en arrière dans des situations comme celle-ci... Parce que tu n'es pas le seul à pouvoir ressentir de la culpabilité.

La créature, perdant patience, tenta une dernière fois de nous atteindre, puis tourna les talons et s'évanouit dans la nuit. Nous attendîmes un moment, puis je descendis prudemment de l'arbre, et m'éclipsai un instant dans la forêt, cherchant à la lueur de la lune, néanmoins sur mes gardes, une toile d'araignée que j'enroulai autour d'un bâton, avant de m'en retourner, quelques pousses de cerfeuil - trouvées au pied d'un arbre, les premières de l'année - dans la gueule et le morceau de bois dans une patte, marchant acrobatiquement sur les trois autres jusqu'à mon meilleur ami qui semblait inquiet. Je l'avais - encore - laissé là sans le prévenir d'où j'allais...
Une minute trente plus tard, le bandage était fait, et nous étions prêts à repartir. Une pensée me traversa alors l'esprit, et tandis que nous marchions, je ne pus me retenir de l'énoncer à voix haute:

Petit Jais, tu as des chances de devoir te débrouiller sans moi un jour, non? Je veux dire, tu seras chef, avec neuf vies. Je n'en ai qu'une et ça ne changera jamais...

Alors je réalisai ce que je venais de dire, et la manière de le dire, ce qui aurait pu passer pour de la jalousie s'il ne me connaissait pas si bien... Je repris, un peu gênée :

Je veux dire... Je ne me plains pas de cette vie unique, nous avons tous un temps imparti, et si nous ne pouvons choisir sa durée, nous pouvons choisir quoi en faire. Mais je ne veux pas que tu bases ta vie sur moi... Je ne voudrais pas te faire du mal s'il m'arrivait malheur...

Et tandis que j'attendais sa réponse, nous continuâmes notre route jusqu'à la fameuse Crevasse Aquatique.