J'étais allongé sur de l'herbe, dans une caverne. Tout autour de moi était sombre et la pluie tambourinait à l'extérieur. Avec difficulté, je me mis debout et m'approchais de l'entrée, en titubant. J'aperçus la silhouette de Plume d'Ange. Elle était allongée sur le sol, comme si elle dormait. Je me précipitai vers elle et me rendit compte que son corps était rongé par les vers. Je me reculai et trébuchai sur le cadavre de Nuage d'Espoir. Tout autour de moi, je voyais à perte de vue des corps. Je baissai la tête et me rendis compte que j'étais moi-même à moitié mort. Je hurlai de rage et vis une ombre immense qui se précipitai vers moi. Je me laissai tomber et au moment où cette chose allait m'atteindre ...

Un coup de patte me réveilla en sursaut. A côté de moi, ma douce Ange bougeait dans son sommeil, comme si elle rêvait. Je laJe me levai le plus discrètement possible et posa délicatement mon museau dans le creux de son cou. Elle ouvrit ses yeux puis les referma, après m'avoir souri. Heureux comme tout, je sortis de la tanière des guerriers presque en sautillant.
Je levai les yeux vers le ciel et reçus une giclée d'eau en pleine figure. Un coup de tonnerre retentit et je décidai soudain d'opérer un repli stratégique à l'abri. Je me heurtai à un guerrier. Avec dégoût, je découvris qui était le guerrier en question : Plume Glaciale. Je ne pouvais pas le voir en peinture ce qui était totalement réciproque.

Mon Ange m'avait expliqué qu'il avait été amoureux d'elle et qu'il l'était toujours d'ailleurs, même s'il le dissimulait, avec brio, je devais le reconnaître. Mon arrivée dans le Clan avait profondément refroidi ses ardeurs, mais je lui gardai une profonde rancune. D'un mouvement de la queue, je lui fouettai le visage et sortis sous la pluie, sans frissonner. Je me remémorai alors mon enfance et les longues nuits passées à dormir, peloté tant bien que mal dans un coin de porte. Ce n'était pas une petite pluie de rien du tout qui allait me faire peur !

« Je suis sûr que je ramène plus de proies que toi : je suis un bien meilleur chasseur que toi. »

En voyant la tête de mon rival, je jubilai intérieurement. Aucun mâle digne de ce nom ne saurait résister à pareil défi ! Pour le décider, je lui jetai un regard qui en disait long sur ce que je pensais de lui, puis me retournai et me dirigeai vers l'entrée du camp d'un pas nonchalant, malgré les trombes d'eau qui tombaient sur ma tête.

« On se retrouve à la plaine sauvage : ne tardes pas trop, tu risquerais de te retrouver sans aucun truc à chasser, à part les feuilles mortes. »

D'un rire narquois, je me plaçais hors de sa vue et commence à courir, doucement d'abord, puis de plus en plus vite. Petit à petit mes muscles se réchauffaient si bien qu'au bout d'un petit moment, je commençais même à avoir trop chaud. J'arrivai finalement au lieu de rendez-vous et bondit dans l'arbre le plus proche. Je me réceptionnai souplement et m'allongeai sur la branche, disparaissant presque dans le feuillage. Depuis mon perchoir, je savais que je pourrais très facilement bondir sur Plume Glaciale et lui faire la peur de sa vie. Avec une joie morbide, je lâchais un rire presque maléfique. Attentivement, j'observai la plaine, cherchant à déceler un mouvement susceptible d'attirer Plume Glaciale sous l'arbre où je me trouvais.

J'aperçus un mouvement et un éclat de fourrure orangé. Un écureuil ! Je le vis s'approcher de moi, sans se douter un moment de ma présence. J'attendis qu'il soit à ma portée et lui attrapai le cou. Je lui mordis la gorge et déposai le corps sur la branche, en priant pour qu'aucun corbeau n'ait la bonne idée de venir me piquer ma proie.

 Bien vite, j'aperçus la silhouette de Plume Glaciale. Avec un sourire carnassier, je le vis qui cherchai une proie, en plissant les yeux. Un coup de tonnerre éclata, me faisant sursauter. Mon cher rival courut se réfugier sous un arbre, MON arbre plus précisément. J'attrapai l'écureuil et sautai au sol. J’atterris sur son dos. Je sentis son corps qui se tendait et bondit à terre. Je déposai ma première proie au sol, et lui sourit presque gentiment.

« Et de une. T'en es à combien toi ? Zéro ? Quel dommage ! »

 En riant, je lui donnai un coup de patte sur le dos et partit en quête d'une seconde proie. Je laissai mes pensées vagabonder, tandis que mon corps se mettait en mode pilotage automatique. J'avais bien l'intention de ramener plus de proies que cet abruti pour lui prouver une fois pour toutes que j'étais bien meilleur que lui. Moi, un ego surdimensionné ? Peut-être un petit peu. C'est d'ailleurs peut-être ma faute si Nuage d'Espoir est aussi vantard. Je secouai la tête, me concentrant un peu plus sur ce que je faisais.

Aucune odeur ne me parvenait, sans grande surprise. La pluie bouchait complètement mon odorat, aussi décidai-je de me repérer au son et au mouvement. En plissant les yeux, je m'avançais à pas de loup, en cherchant à détecter ne serait ce qu"un infime mouvement. Sous cette pluie battante, je doutai sérieusement de pouvoir trouver autre chose qu'un écureuil ou un oiseau : tous les rongeures se terreraient sans aucun doute dans leur terrier, en attendant que le beau temps revienne.

Je poussai un léger soupir et continuai de chercher. La pluie devenait de plus en plus forte et le tonnerre grondait de plus en plus fréquemment. Je frissonnai légèrement, sentant mes muscles se refroidir tandis que la pluie imprégnait peu à peu ma fourrure. J'aperçus un vague mouvement à ma droite et repérai un éclat de fourrure brune. Une faible odeur de souris me parvint. Je souris m'avançai doucement, en retenant ma respiration. Je bondis soudain, mais ratai ma cible, qui s'enfuit en courant.

En pestant, je m'ébrouai et repartis en quête de quelque chose à attraper. Je commençais à regretter d'avoir lancé ce défi à Plume Glaciale et me traitai intérieurement d'abruti.
Je rêvais de retourner dans la tanière des guerriers et de me rouler en boule aux côtés de mon Ange. J'eus une petite pensée pour Nuage d'Espoir qui devait sans doute être évalué par son mentor. J'avais hâte qu'il devienne un guerrier de façon à pouvoir passer un peu plus de temps avec lui. Je ne le voyais pas assez à mon goût, entre ses entraînements et mes responsabilités de guerrier.

Au bout d'un bon moment, j'aperçus la silhouette de Plume Glaciale et décidait de lui compliquer un peu la tâche. Avec un sourire carnassier, je m'approchai discrètement et lui murmurai d'un ton mielleux :

« Alors, on galère ? On préfère pêcher du poisson plutôt que de chasser comme un vrai guerrier ? Pauvre choupinou ! »