Je me souviens, c'était il y a bien des lunes de cela, dix lunes précisément, que la catastrophe est arrivée. Le ciel, avec des allures menaçantes, était devenu noir. De la pluie violente et glaciale s'en écoulait. "C'est la saison, c'est normal" nous avait-on raconté. Alors moi, jeune guerrier, avait cru à ces paroles sans m'inquiéter d'avantage à la situation. Seulement, les jours s'écoulèrent, le soleil restait caché derrière une épaisse couche de nuages, et la pluie ne s'arrêtait pas. Se réveiller avec le bruit assourdissant des gouttes d'eau frappant le sol était devenue une habitude. Rentrer de la chasse la gueule vide aussi. Le clan faiblissait, mais on survivait. Malheureusement, ce qui devait arriver, arriva. La rivière quitta son lit, engloutissant tout sur son chemin. Et mon clan se retrouva les pattes dans l'eau. Nous dûmes quitter notre camp d'urgence, dans la peur et la panique. Des vies étaient en danger. Notre meneur décida de nous emmener aux quatre chênes, afin de nous mettre en lieu sûr. Cependant, les nuits étaient glaciales, et nous ne pouvions rester sans abris. Surtout que les trois autres clans nous rejoignirent sous peu de temps. L'eau se filtrant dans la roche avait provoqué des effondrements au clan du tonnerre. Le marécage était devenu mouvant au clan de l'ombre. Et les terriers de lapins s'étaient gorgés d'eau, faisant fuir les proies au clan du vent. Je n'oublierais jamais les regards horrifiés autour de moi, l'odeur de la peur et les plaintes de désespoir. La forêt était devenu un endroit dangereux pour chacun d'entre nous. Notre place n'était plus dans la forêt de Cerblanc, nous devions partir. Les clans se réunirent, rassemblant force et courage, ne formant qu'un seul. Nous n'avions nulle part ou aller, et devant nous, l'inconnu faisait face. Mais malgré ça, l'espoir était maître.

On partit, avec détermination. Les poses étaient rares, et le rythme était difficile en raison des intempéries. J'admirais la façon dont les membres s'aidaient, comme si les clans avaient toujours été soudés. Mais malgré les jours de marche, nous ne trouvions de refuge, comportant les caractéristiques pour notre nombre. L'espoir baissait, et les doutes hantaient les esprits de chacun. C'est alors à cette nuit tombante où le froid nous mettait au défi de survivre, que le Clan des Etoiles nous a écouté. Je ne pourrais oublier ces petites voies aigues, remplies de joie et d'espoir, qui disaient "Nous avons trouvé un refuge !". Tout le monde s'était empressé de suivre le petit groupe d'apprentis, qui nous emmena vers une petite entrée dans la roche, suivie d'un tunnel, qui déboucha dans une immense grotte. Il y avait de la place pour les quatre clans, un ruisseau coulait le long d'une paroi, et un doux parfum de gibier flottait dans l'air. Nos efforts étaient récompensés.

——
Nous avions tout le nécessaire dans cette grotte pour vivre. Les clans vivaient ensemble, dans une ambiance chaleureuse, et chaque membre avait repris son rôle. Pourtant, je ne m'y sentais pas à ma place. Cela faisait des jours, des semaines, en tout cas bien trop longtemps que nous étions installés ici. Je regrettais l'eau cristalline de la rivière, le chant mélodieux des oiseaux, les sentences de la forêt. Tant de choses me manquait, et n'équivalait pas cette grotte aux parois sombres et glacées. Dehors, le ciel avait repris ses couleurs azurs, et pour moi, il était temps de partir.
Je partageais mes opinions à qui voulait bien les entendre, et à mon plus grand étonnement, nous étions minoritaires à vouloir rentrer. Une colère montait doucement en moi. Je ne pouvais supporter plus longtemps cette vie de chauve-souris. Je me souviens être allé aussitôt auprès des meneurs, me plaignant que la vie de clan était dans une forêt et non dans une grotte. Un débat et un vote fut élaboré. Et le résultat ne changea pas. Enfin, après de longues discussions, les volontaires partirent, dont moi, évidement.  Étoile du Mimosa fut la seule meneuse,  contrairement aux lieutenants Fatalité du Destin et Echo de Flamme qui furent au moins deux.
Le chemin du retour semblait interminable. L'envie de retrouver notre belle forêt me faisait bouillonner, au point où j'étais persuadé que mes pattes pouvaient fondre la neige. Mes désirs ne tardèrent pas à s'exaucer, heureusement.  Nous la vîmes enfin, verdoyante et colorée par le doux printemps, accompagnée de mulots gambadants et de grives virevoltantes, au parfum irremplaçable. Chaton je me serais roulé dans l'herbe, rigolant aux éclats, ronronnant de plus belle. Mais comme je n'étais pas un chaton, je me forçais de rester calme, malgré un grand sourire sur mon visage. Les groupes se séparèrent, avec plus ou moins de difficultés, et chacun regagna son camp. Avec mes camarades, la surprise fut grande. Une petite marre au milieu du camp était née du déluge. Des croassements graves nous annonça la présence de grenouille. Sympa le changement. J'aimais, vraiment.  
La vie de camp repris son cours, malgré le manque de la moitié de nos camarades. Etoile de Jade devint notre meneur. Nous ignorons ce que sont devenus ceux restés dans les montagnes, mais ils resteront gravés dans nos mémoires et nos coeurs, telles des légendes.